Par Jean-René Etchegaray, Président de la Communauté d’agglomération Pays Basque et Maire de Bayonne

Comment, précisément, fonctionne l’avantage fiscal accordé jusqu’à présent aux propriétaires de meublés touristiques ?

Aujourd’hui, l’avantage fiscal permettant de réduire sa base d’imposition est de 71% dans la limite de 188.700 euros de revenus locatifs annuels contre 30% pour les locations classiques. La proposition de loi, tel qu’amendée au Sénat, prévoit d’abaisser l’abattement fiscal à 50% pour les meublés classés, dans la limite de 77.700 euros de chiffre d’affaires annuels et à 30% pour les meublés non classés, dans la limite de 23.000 euros de chiffre d’affaires annuels.

En quoi la fin de la niche fiscale Airbnb était-elle un enjeu majeur ?

Notre pays connaît une crise du logement sans précédent, une crise profonde et protéiforme en fonction des spécificités des territoires. Pas un jour ne passe sans que nous, maires, élus locaux, recevions un jeune, une mère, une famille dans un désarroi total face à ce besoin primaire et ce droit inaliénable qui n’est pas satisfait. Dans nos territoires attractifs, cette crise est clairement exacerbée par la croissance exponentielle des meublés de tourisme. Une étude de notre agence d’urbanisme fait état d’une augmentation de 130 % des locations en meublés de tourisme de 2016 à 2020 au Pays Basque. Dans ce contexte, la fiscalité doit absolument être favorable aux propriétaires qui louent leurs biens à l’année. Ceci n’est pas le cas aujourd’hui car, au contraire, les revenus issus de la location des meublés de tourisme ouvrent droit à davantage d’abattements fiscaux. C’est pourquoi nous avons, au Pays Basque, soutenu cette loi sans ambages.

D’autant que nous avons, à la Communauté d’agglomération que je préside, adopté une mesure forte de compensation obligatoire : la location d’un bien en meublé de tourisme doit systématiquement être compensée par la remise sur le marché locatif d’un autre bien loué à l’année. L’objectif premier de ce dispositif est de stopper l’hémorragie des logements à l’année vers le logement saisonnier. Les derniers chiffres démontrent que tel est le cas. Les banques n’intègrent plus les revenus de locations saisonnières dans l’opération d’acquisition et les notaires ne recommandent plus ce genre d’investissement. La fin de cette injustice fiscale viendra sans nul doute encore améliorer l’efficacité de notre règlement. Et il faudra également renforcer les dispositifs qui protègent les propriétaires en cas d’impayés. Des situations qui, même très minoritaires, dissuadent les propriétaires de louer leurs biens à l’année.

Cette proposition de loi prévoyait-elle des mesures environnementales ?

Dans le parc locatif classique, la location des passoires thermiques (logements classés G) ne sera plus possible d’ici 2025. Notre Communauté d’agglomération s’est ainsi dotée d’un ambitieux programme d’amélioration de l’habitat et a réhabilité 1500 logements dans le but d’atteindre ces objectifs avant 2025. Mais cette obligation ne s’appliquait pas aux meublés de tourisme, renforçant encore l’attrait de cette formule pour des investisseurs zélés. Le texte, tel que modifié par les sénateurs et le gouvernement, impose à tous les meublés de tourisme actuels et futurs d’être au moins classés D au regard du diagnostic de performance énergétique à partir de 2034.

Cette loi suffirait-elle à enrayer la crise du logement ?

Le phénomène des meublés de tourisme ne suffit pas à lui seul à expliquer la crise du logement et d’autres phénomènes (augmentation des familles monoparentales, vieillissement de la population, départ des métropoles) sont évidemment à prendre en compte.  Dès lors, bien évidemment, cette loi ne suffira pas à elle seule à enrayer la crise du logement. Pour être efficaces, nous, collectivités, devons bénéficier de l’ensemble des pouvoirs règlementaires liés aux régulations du marché : encadrement des loyers, du marché foncier, surtaxation des logements vides, droit de préemption renforcé ainsi que de moyens financiers supplémentaires en faveur notamment de la rénovation énergétique. Des capacités réglementaires et budgétaires que chaque territoire pourra adapter à sa réalité, territoires attractifs ou en déprise. C’est pourquoi la prochaine loi sur le logement ne pourra s’exonérer d’un fort élan décentralisateur. C’est le message unanime que la classe politique du Pays Basque porte, sa population derrière elle. De très nombreuses mobilisations sont là pour en attester. Récemment, des tags sont réapparus sur des agences immobilières, reprenant des slogans que nous croyions définitivement enterrés. Ils sont le fait d’une minorité, qui n’est représentative ni de notre jeunesse, ni de notre population. Pour autant, nous y sommes vigilants, et je le dis avec la gravité qui s’impose, il faut que le gouvernement travaille avec nous à apaiser ce qui peut l’être. Nous ne devons pas raviver des braises que nous avons tous au Pays Basque beaucoup travaillé à éteindre.

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