Par Chantal Cutajar, Maître de conférences HDR HC , directrice du Master Juriste conformité / Compliance officer à l’Université de Strasbourg

Quelle est la définition du délit de favoritisme et quelles sont les sanctions encourues ?

Le délit de favoritisme, incriminé à l’article 432-14 du Code pénal sanctionne les « atteintes à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics et les contrats de concessions ». Ce délit a été créé par la loi du 3 janvier 1991 (L. n° 91-3 relative à la transparence et à la régularité des procédures de marché, art. 7) pour appréhender les décideurs publics qui avaient violé l’égalité entre les candidats en attribuant un marché public à une entreprise privée en violation des règles gouvernant les marchés publics. A savoir la liberté d’accès à la commande publique, l’égalité de traitement des candidats et la transparence des procédures.

Il consiste pour l’auteur, au visa de l’article 432-14 du code pénal, de procurer ou de tenter de procurer à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et les contrats de concession.

Les règles qui visent à assurer l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics sont principalement situées dans le code de la commande publique et dans le code général des collectivités territoriales. Cependant, pour entrer en voie de condamnation, les juridictions pénales se contentent de vérifier que les faits litigieux ont bien porté atteinte aux principes sans nécessairement identifier la violation d’une règle technique précise prévue par le droit de la commande publique (Cass. crim., 4 mars 2020, préc. ; Cass. crim. 11 mai 2022, n° 21-85.272).

Les auteurs encourent 2 ans d’emprisonnement et 200 000 euros d’amende ou le double du produit de l’infraction ainsi que des peines complémentaires dont la peine obligatoire d’inéligibilité au visa de l’article 131-26-2, II, 5° étant précisé que la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur (art. 131-26-2, III).

Qu’était-il reproché à Olivier Dussopt par le Parquet National Financier ?

C’est au cours d’une enquête pour corruption dirigée contre Olivier Dussopt en sa qualité de maire de la commune d’Annonay, que le PNF n’est pas parvenu à établir, que les enquêteurs ont découvert, lors d’une perquisition menée au domicile personnel de ce dernier, le compte-rendu d’une réunion qui a eu lieu le 29 juillet 2009 avec le P.D.G de la société SAUR, spécialisée dans le traitement de l’eau et détentrice d’une délégation de service public depuis 1961, venant à terme le 31 décembre 2009 passé avec la ville.

Ce compte-rendu faisait apparaître qu’il avait été question au cours de la rencontre non seulement de la préparation du protocole de sortie du contrat d’affermage avec la Saur, ce qui était tout à fait légal, mais également « des contrats à venir ». Il ressortait également d’un mail envoyé le 17 août 2009 à ses services qu’Olivier Dussopt souhaitait que soient insérés dans le cahier des charges du nouveau marché, une modification du mode de calcul de la note permettant de départager les candidats. Un changement visant, en l’occurrence, à diminuer le poids de la note lié au prix en la rabaissant de 60 % à 50 % de la note globale par rapport à celui de la note technique.

Considérant que Olivier Dussopt avait transmis des informations privilégiées au Groupe Saur au cours de la réunion du 29 juillet 2009 et avait favorisé ce Groupe en modifiant les critères d’évaluation de l’appel d’offre, le PNF avait requis une peine de 10 mois d’emprisonnement avec sursis et de 15 000 euros d’amende.

Sur quelle base le Tribunal a-t-il décidé de relaxer Olivier Dussopt ?

Pour relaxer Olivier DUssopt, le Tribunal a estimé d’une part qu’il n’avait pas transmis, au cours de la réunion du 29 juillet 2009, d’informations privilégiées de nature à conférer à l’entreprise un avantage indu. D’autre part, il a jugé que le choix par Olivier Dussopt de réduire le poids du critère prix dans la note globale était conforme au code des marchés publics et qu’il était pratiqué pour tous les autres marchés passés par la municipalité.

Que penser de cette décision qui désavoue le PNF ?

La réalité, la portée et l’existence de la transmission d’informations privilégiés relèvent de l’appréciation souveraine des juges au fond au regard des éléments factuels débattus et des explications fournies par le prévenu. Le PNF a d’ailleurs la possibilité d’interjeter appel.

S’agissant du critère prix, il convient de préciser que l’article L 2152-7 al. 1er du code de la commande publique fait obligation à l’acheteur public d’attribuer le marché au soumissionnaire qui a « présenté l’offre économiquement la plus avantageuse sur la base d’un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution ». Or, l’offre économiquement la plus avantageuse n’est pas forcément la moins-disante et le droit de la commande publique érige le choix du mieux-disant en principe qui permet de privilégier les prestations plus durables et de meilleure qualité. Dès lors, l’acheteur peut choisir l’offre, qui par sa valeur technique satisfait le mieux le besoin de l’acheteur à un prix juste et raisonnable.

En outre, le prix ne peut être retenu comme critère unique qu’exceptionnellement lorsque le marché a « pour seul objet l’achat de services ou fournitures standardisés dont la qualité est insusceptible de variation d’un opérateur économique à l’autre » (R. 2152-7, 1° a)) du code de la commande publique, ce qui , à l’évidence n’était pas le cas en l’espèce.  

Ainsi, pour attribuer le marché au soumissionnaire qui a présenté l’offre économique la plus avantageuse l’acheteur doit se fonder sur une pluralité de critères non-discriminatoires et liés à l’objet du marché ou à ses conditions d’exécution, parmi lesquels figure le critère du prix ou du coût et un ou plusieurs autres critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux. L’article R 2152-7, 2° a) b) c) du code de la commande publique fournit une liste non exhaustive des critères qu’il est ainsi possible de mettre en œuvre.