Par Frederick T. Davis, ancien procureur fédéral et membre des barreaux de New York et de Paris.

Quelles sont les accusations réelles contre M. Biden, et quels sont les enjeux ?

Le procès actuel repose sur une mise en accusation de M. Biden pour violation des lois fédérales régissant l’accès aux armes à feu. En vertu de ces lois, les acheteurs d’une arme à feu doivent remplir un formulaire standard qui demande, entre autres questions, si le demandeur « utilisait » des drogues illégales. M. Biden a coché la case indiquant « non » et a acheté un petit pistolet. Il n’a jamais utilisé l’arme, et peu de temps après son achat, sa petite amie de l’époque (étrangement, la veuve de son frère aîné décédé) a découvert l’arme et l’a jetée. Nous savons maintenant que M. Biden consommait effectivement et de manière intensive des drogues narcotiques à cette époque – ce qu’il a pleinement et candidement évoqué dans une autobiographie bien écrite qui a révélé ses problèmes de toxicomanie et de dépression psychologique. Il est donc fort possible qu’il ait acheté l’arme avec des pensées suicidaires possibles.

Une condamnation pourrait théoriquement entraîner une période d’incarcération significative, avec un maximum de 25 ans. Cependant, dans presque tous les cas, les violations de cette nature – où il n’y a eu aucun acte de violence ni même la menace ou la probabilité d’un acte violent – n’ont jamais conduit à une période d’incarcération, et la grande majorité des cas ne donnent même pas lieu à poursuites. Très bizarrement, une grande partie du procès jusqu’à présent – et il en est encore à ses débuts – a consisté en la diffusion aux jurés d’une version audio du livre autobiographique de M. Biden, où les jurés entendent la propre voix de M. Biden décrivant sa descente aux enfers de l’addiction.

M. Biden a également été inculpé pour une infraction fiscale, plus précisément pour avoir déposé en retard ses déclarations de revenus pendant deux ans (et non pour fraude fiscale). Le procès, dans cette affaire, est prévu pour septembre. M. Biden pourrait faire face à des conséquences plus graves dans cette affaire, bien que (encore une fois) les cas de « dépôt tardif » sans fraude sont très rarement poursuivis, mais sont presque toujours résolus par un accord pour payer les impôts en souffrance (ce qu’il a fait) avec une amende.

M. Biden n’a-t-il pas tenté de plaider coupable à ces accusations ?

Oui, il l’a fait et le rejet de son plaidoyer de culpabilité reflète les dynamiques politiques inhabituelles en jeu ici. Depuis 2019, l’enquête sur M. Biden a été menée par David Weiss, un procureur fédéral bien connu, nommé par l’ex-président Donald Trump. M. Weiss a continué à exercer ses fonctions après l’investiture de Joseph Biden en janvier 2021, et en 2023, l’actuel Attorney General Merrick  Garland a nommé M. Weiss comme « Special Counsel », un statut qui lui donne une certaine indépendance vis-à-vis du Ministère de la Justice. M.Garland a clairement (et à juste titre) fait cette nomination pour s’assurer qu’il ne puisse y avoir aucune suspicion que le cas de M. Biden soitt traité de manière spéciale en raison de sa relation avec le Président. Ni le président Biden ni M. Garland n’ont critiqué la performance de M. Weiss, ni pris aucune mesure pour miner son autorité.

En juin 2023, M. Weiss et les avocats de M. Biden ont annoncé qu’ils avaient conclu un accord pour régler à la fois les accusations liées à l’arme à feu et aux impôts. L’accord aurait virtuellement garanti un résultat sans risque d’emprisonnement et aurait permis à M. Biden de tourner la page sur ces affaires. Cependant, après une audience dramatique, le juge du procès a refusé d’accepter l’accord de plaidoyer de culpabilité.

La motivation de la décision du juge mérite d’être examinée en détail. Dans les négociations de ce type d’accord de plaider-coupable – j’ai eu l’occasion d’en conduire plusieurs, tant en qualité de procureur que d’avocat de la défense– il est habituel et fort logique que la contrepartie offerte par le procureur soit la clôture définitive du dossier, c’est-à-dire, en langage procédural français, une extinction de l’action publique pour l’ensemble des faits visés dans les poursuites initiales, sans qu’il soit possible d’engager ultérieurement des poursuites pour les mêmes faits mais sur de nouvelles qualifications pénales. Pour Hunter Biden, une telle contrepartie était d’autant plus logique et désirable que la procédure avait été longue et éprouvante du fait de sa médiatisation. Peu avant l’audience, cependant, des membres républicains de la Chambre des Représentants ont déposé un mémoire auprès du tribunal demandant que le plaidoyer soit rejeté, à moins qu’il ne permette à M. Weiss de poursuivre son enquête indéfiniment – et théoriquement d’examiner les nombreuses accusations farfelues et totalement infondées selon lesquelles M. Biden et son père auraient été impliqués dans une corruption généralisée. En conséquence, l’accord formel avec le procureur était notablement ambigu sur la question de savoir s’il incluait un engagement de clôture. Lors de l’audience d’homologation de l’accord devant le juge fédéral – dont l’objet est précisément pour le juge de s’assurer du caractère pleinement éclairé de la reconnaissance de culpabilité, mais également de la bonne compréhension par les parties de la portée de leur engagement – M. Biden a déclaré qu’il comprenait que s’il plaidait coupable, il ne ferait face à aucune autre poursuite ultérieure ; de son côté, M. Weiss a insisté sur le fait qu’il n’avait pris aucun engagement formel à ce sujet. Le juge a alors logiquement dit : « Je ne peux pas accepter cela parce qu’il n’y a pas d’accord réel. »

Avec cette affaire et, la semaine dernière, la condamnation de Donald Trump par un tribunal new yorkais, assistons-nous à la « politisation » de la justice pénale américaine ?

Question très importante et sensible. Personnellement, je ne considère pas les diverses poursuites contre Donald Trump comme « politiques ». Il a été accusé dans quatre tribunaux distincts (et est cité, mais non accusé, dans au moins un autre) pour une variété de charges graves concernant son aptitude à servir comme président, y compris s’il a fait une utilisation privée et illégale de documents officiels hautement secrets, s’il a obstrué la justice en mentant et en incitant d’autres à le faire pour sa défense, s’il a falsifié des documents pour dissimuler des contributions de campagne inappropriées, et surtout s’il a participé à des efforts pour renverser l’élection de 2020. Dans chaque cas, le procureur a soigneusement rassemblé les faits et a pris des décisions raisonnées pour savoir si ces faits méritaient des poursuites, selon des principes déontologiques applicables. Étant donné la multiplicité et la solidité de ces affaires, à mon avis, toute décision de NON-poursuite ne pourrait être justifiée que sur la base de la « politique ». Le cas contre Hunter Biden est différent. Si son nom était Hunter Smith et non Hunter Biden, il aurait réglé toutes ces questions depuis longtemps. Le procès actuel contre lui est absurde : il a déjà publiquement admis tous les faits pertinents (et personnellement humiliants) ; le procès ne prouve rien et n’a lieu que sous la pression politique exercée sur le procureur.