Par Bertrand Mathieu, Professeur émérite de l’Université Paris1 Panthéon-Sorbonne, Expert du Club des juristes

Pourquoi être passé du septennat au quinquennat non renouvelable plus d’une fois ?

Le choix d’un mandat présidentiel de 7 ans trouve son origine aux débuts de la IIIème République. Ce choix est conjoncturel, il s’agissait d’attendre le décès du prétendant légitimiste au trône, qui avait refusé le drapeau tricolore, pour rétablir la monarchie. Si, au cours de ces sept années, le comte de Chambord est effectivement décédé, l’assemblée est devenue à majorité républicaine et le septennat a perduré. En 1958, le général de Gaulle qui faisait du président de la République le titulaire du pouvoir d’Etat n’avait pas de raison de l’affaiblir en réduisant la durée de son mandat. Si le président Pompidou avait engagé une révision constitutionnelle visant à établir le quinquennat, il faut attendre 2000 pour que le Président Chirac, pourtant hostile à cette réforme, fasse adopter, par référendum, le quinquennat, à la suite d’une manœuvre d’« encerclement » conduite par l’ancien président Valéry Giscard d’Estaing et par le premier ministre Lionel Jospin. L’argument principal tend alors à soutenir que 5 ans, c’est plus « moderne » que 7 ans. Cette réforme s’accompagne d’une modification du calendrier électoral, afin que les élections législatives interviennent juste après les élections présidentielles. En 2007, Nicolas Sarkozy engage une vaste réforme de la Constitution. Parmi les mesures adoptées, l’interdiction d’exercer plus de deux mandats consécutifs. On relèvera que cette mesure n’avait pas été proposée par le « comité Balladur » chargé de préparer cette révision constitutionnelle.

Le président de la République peut-il cependant exercer trois mandats consécutifs, dans l’hypothèse où son deuxième mandat serait inachevé ?

La réponse est incontestablement négative. Lorsqu’il est élu, le président de la République l’est pour un mandat. Le fait qu’il ne termine pas ce mandat, à la suite d’une démission, ou même d’une destitution, n’y change rien. Au-delà de cet argument de texte, un argument de bon sens s’impose : à défaut de retenir cette solution, il suffirait que le président démissionne quelques jours avant la fin de son second mandat pour en solliciter un troisième.

L’argument, qui avait été invoqué renvoyait à une décision du Conseil d’Etat de 2022 permettant au président de la Polynésie française de se présenter à un troisième mandat, alors que l’article 74 de la loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française dispose que le “le président de la Polynésie française ne peut exercer plus de deux mandats de cinq ans successifs ». Mais cette analyse n’est pas transposable, notamment parce que ce texte fait référence non seulement au nombre des mandats, mais aussi à leur durée. Enfin, on relèvera, que l’intérim exercé par le président du Sénat en cas de vacance de la présidence ne peut être considéré comme un mandat confié par les électeurs.

En réalité, seule une révision constitutionnelle, supprimant la limitation du nombre de mandats successifs permettrait au président de faire à nouveau acte de candidature. On relèvera qu’une telle modification est le plus souvent le fait de régimes autoritaires marqués par la volonté du président en exercice de ne pas quitter le pouvoir.

Dans ce cas, pourquoi la question de la faculté pour le président Macron de candidater à un troisième mandat a-t-elle été posée ?

En réalité, la seule question qui se pose est celle de la pertinence de cette règle. D’un côté, l’argument de l’usure du pouvoir au terme de 10 ans d’exercice, de l’autre celui du libre choix des électeurs. Certains membres de l’entourage du président Macron, et le président Macron, lui-même ont pu regretter cette situation. A partir de là, certaines élucubrations ont été développées. Le véritable problème est celui de la faiblesse relative du président à la fin de son second mandat, voire plus avant. Le Chef de l’Etat est affaibli car s’ouvre déjà sa succession, les couteaux s’aiguisent, les trahisons se fomentent et ses affidés cherchent un nouveau maître, pour dire les choses de manière un peu imagée.

Par ailleurs, alors que l’hypothèse d’une nouvelle cohabitation se fait jour, la question se pose de savoir si le président ne pourrait être tenté (malgré ses dénégations) ou contraint (politiquement et non juridiquement) de démissionner, puis de se représenter, dans l’hypothèse d’une cohabitation difficile. La réforme de 2000 avait tenté de rendre plus hypothétique une telle cohabitation, c’était oublier que le président pouvait démissionner (ou décéder) en cours de mandat, et dissoudre l’Assemblée nationale. Mais la Constitution dicte sa loi : le président ne pourra, quelles que soient les circonstances, prétendre à un troisième mandat consécutif et, il ne pourra dans l’année qui suit la présente dissolution en prononcer une seconde. Reste qu’un troisième mandat est toujours possible… mais après l’exercice par un nouveau président d’un mandat (qui pourrait lui-même être abrégé). L’avenir n’est pas écrit, mais certaines règles du jeu s’imposent.