Par Maud Michaut, Docteur à l’Université Paris Panthéon-Assas, maîtresse de conférences à l’Université Paris-Panthéon-Assas à la rentrée

Que prévoit le 25e Amendement de la Constitution des États-Unis ?

Ratifié par les trois-quarts des États fédérés le 10 février 1967, le 25e Amendement vient clarifier les conditions de succession en cas de vacance de la présidence des États-Unis, et définir une procédure permettant de constater l’empêchement du président.  

Avant l’adoption de cet amendement, la question était seulement évoquée à la section 1 de l’Article II de la Constitution, qui prévoyait que les pouvoirs et les devoirs de l’office présidentiel étaient transférés au vice-président « en cas de destitution du président, de décès, de démission ou d’incapacité à [les] exercer ». La formulation retenue était porteuse d’une double ambiguïté. La première tenait à la situation du vice-président : dans l’hypothèse d’une telle interruption du mandat présidentiel, devenait-il pleinement président ou exerçait-il les pouvoirs rattachés à la présidence tout en restant vice-président ? La seconde était relative à la définition de l’empêchement présidentiel : quand fallait-il considérer que le président était dans l’incapacité d’exercer les pouvoirs et les devoirs de son office ? Après l’assassinat de John F. Kennedy le 22 novembre 1963, il est apparu indispensable que ces ambiguïtés soient levées. Tel était l’objet du 25e Amendement.

À la première section, il y est précisé que le vice-président devient pleinement président dans l’hypothèse de la destitution, du décès ou de la démission du président élu. La deuxième section règle la question de la vacance de la vice-présidence. Quant aux deux dernières, elles portent sur l’empêchement présidentiel, déclaré par le président lui-même (troisième section) ou constaté par son administration (quatrième section). En effet, le vice-président et une majorité des officiers principaux des départements ministériels peuvent transmettre au président pro tempore du Sénat et au speaker de la Chambre des Représentants une déclaration écrite attestant que le président n’est pas en mesure de s’acquitter des pouvoirs et des devoirs de son office. Le vice-président devient alors immédiatement Acting President et le reste jusqu’à ce qu’une seconde déclaration écrite des mêmes autorités n’annonce la fin de l’empêchement. À tout moment, le président peut néanmoins contester être empêché. Si le vice-président et la majorité des officiers principaux réitèrent dans un délai de quatre jours, c’est alors au Congrès de trancher à la majorité des deux tiers de chacune des Chambres.

Le parti démocrate peut-il encore désigner un autre candidat à l’élection présidentielle ?

Il faut distinguer la décision par laquelle Joe Biden renoncerait à être candidat à la prochaine élection présidentielle et celle par laquelle il démissionnerait de la présidence des États-Unis.

Si le candidat démocrate ne sera formellement désigné que le 19 août, l’immense majorité des délégués est acquise à Joe Biden. Au regard des règles applicables, et si Joe Biden maintient sa candidature, les possibilités ouvertes au parti démocrate de retenir un autre candidat sont extrêmement réduites. En revanche, dans l’hypothèse où Joe Biden se retirerait, les délégués pourraient élire le candidat de leur choix. À cet égard, il n’y a pas de système obligatoire de report de voix et Joe Biden ne pourrait qu’inviter « ses » délégués à désigner un candidat en particulier. Néanmoins, une telle situation risquerait aussi de plonger le parti dans l’embarras, une compétition ouverte risquant à ce stade de fragiliser le candidat finalement retenu.

Quelles seraient les conséquences de l’interruption du mandat présidentiel de Joe Biden ?

Certains ont évoqué la possibilité pour Joe Biden de démissionner de la présidence, de sorte que Kamala Harris, actuelle vice-présidente, lui succéderait en application du 25e Amendement. Même dans cette hypothèse, rien ne garantit cependant qu’elle serait la candidate démocrate choisie pour l’élection présidentielle. Il demeure que, politiquement, devenir présidente des États-Unis lui permettrait sans doute de renforcer sa position, qui reste relativement fragile au sein du parti démocrate. À cet égard, l’essentiel du débat porte alors sur le candidat le mieux à même de l’emporter face à Donald Trump : Joe Biden ou Kamala Harris.

Quant à la procédure prévue par la quatrième section du 25e Amendement, elle est particulièrement protectrice du président. Elle fait intervenir les membres les plus importants de l’administration présidentielle et, en cas de désaccord avec le président, les majorités à atteindre au Congrès sont supérieures à celles exigées dans une procédure d’impeachment. En réalité, il s’agissait surtout, avec ce dispositif, d’anticiper les situations dans lesquelles le président ne serait pas en mesure de transférer lui-même les pouvoirs présidentiels, par exemple dans l’hypothèse d’un coma ou d’un enlèvement, mais certainement pas de forcer la démission d’un président. Le déclenchement de la procédure de la quatrième section du 25e Amendement pourrait éventuellement servir de signal politique pour inciter Joe Biden à retirer sa candidature. Un tel scénario paraît néanmoins très peu probable, et aucun des acteurs ne semble d’ailleurs l’envisager. D’une part, cela ferait courir le risque d’un conflit ouvert au sein du parti démocrate et cela conduirait à décrédibiliser un peu plus celui qui reste pour l’heure le candidat pressenti face à Donald Trump. D’autre part, cela jetterait le doute sur l’ensemble de son action en tant que président, ce qui n’est dans l’intérêt de personne au sein du parti.