Dans un arrêt rendu mardi 30 janvier dans l’affaire Cherrier c. France (requête no 18843/20), la Cour européenne des droits de l’homme juge que les autorités internes ont ménagé un juste équilibre entre le droit de la requérante de connaître ses origines et le droit de sa mère biologique à maintenir son anonymat dans le respect de l’article 8 de la Convention.

Dans cette affaire, la requérante née sous X, qui souhaite connaître l’identité de sa mère, avait demandé au Conseil national de l’accès aux origines personnelles (CNAOP) de lever le secret de ses origines. Celui-ci a refusé la demande, conformément à la volonté de la mère de la requérante de ne pas révéler son identité.

Invoquant l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale), la requérante porte plainte contre ce refus, soutenant qu’il méconnaît son droit d’accès à ses origines.

La requérante saisit la Cour européenne des droits de l’homme le 27 avril 2020, après avoir épuisé toutes les voies de recours en interne.

Dans sa décision, la Cour pose que le refus du CNAOP fondé sur l’obligation de respecter la volonté de la mère biologique est constitutif d’une ingérence dans la vie privée de la requérante. Pour déterminer si cette ingérence a emporté violation du droit au respect de la vie privée de la requérante, la Cour doit rechercher si cette décision était prévue par la loi et nécessaire dans une société démocratique. Elle se réfère aux arrêts Odièvre c. France et Godelli c. Italie, dans lesquelles la Cour n’a pas mis en cause la possibilité pour les États concernés de maintenir la faculté pour les femmes d’accoucher dans l’anonymat mais elle a jugé nécessaire qu’ils organisent, en présence d’un tel système d’anonymat, une procédure permettant de solliciter la réversibilité du secret de l’identité de la mère, sous réserve de l’accord de celle-ci, et de demander des informations non identifiantes sur ses origines.

En l’espèce, la Cour relève, d’une part, que le CNAOP a recueilli un certain nombre d’informations non identifiantes qu’il a transmises à la requérante qui lui ont permis de comprendre les circonstances de sa naissance et d’autre part, que la requérante a bénéficié d’une procédure devant les juridictions internes au cours de laquelle elle a pu faire valoir ses arguments de manière contradictoire.

La Cour conclut que l’État n’a pas outrepassé sa marge d’appréciation et que le juste équilibre entre le droit de la requérante de connaître ses origines et les droits et intérêts de sa mère biologique à maintenir son anonymat n’a pas été rompu. Il n’y a pas eu violation de l’article 8 de la Convention.