Par Rémi Ducloyer, avocat associé – Bréon Ducloyer Avocats et enseignant à Sciences Po

Cette mise en garde est-elle inédite ?

L’Arcom doit garantir l’honnêteté, l’indépendance et le pluralisme de l’information et des programmes qui y concourent. Elle doit veiller au respect des conventions conclues avec les éditeurs de services de télévision et de radio en application de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (dite « Loi Léotard »).

L’obligation d’assurer l’honnêteté de l’information et des programmes qui y concourent est rappelée par l’article 3-1 de cette loi et par l’article 1er d’une délibération n° 2018-11 du 18 avril 2018 du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), auquel l’Arcom a succédé.

L’Arcom peut mettre en demeure les éditeurs de services de communication audiovisuelle de respecter les obligations qui en découlent. En l’absence de respect de la mise en demeure, le régulateur peut engager une procédure de sanction à l’encontre de l’éditeur.

De manière alternative, l’Arcom peut choisir d’adresser aux éditeurs une mise en garde afin de leur rappeler leurs obligations. Cet instrument est par exemple utilisé par l’Arcom dans le cadre du recensement des temps de parole des candidats aux élections.

Si l’outil n’est pas nouveau, son utilisation en raison de propos climatosceptiques constitue en revanche « une première », selon une source de l’autorité elle-même.

Quelles sont les conséquences de cette mise en garde ?

Par cette mise en garde, l’Arcom a considéré que « plusieurs déclarations venaient contredire ou minimiser le consensus scientifique existant sur le dérèglement climatique actuel, par un traitement manquant de rigueur et sans contradiction ».

Cette diffusion caractérise, selon l’autorité, une méconnaissance des obligations incombant à l’éditeur.

La première conséquence de cette mise en garde réside dans l’effet médiatique provoqué par sa diffusion. De ce point de vue, une mise en garde revêt essentiellement un caractère pédagogique.

L’envoi d’une mise en garde permet à l’autorité de signaler des comportements ou des actes qui, à eux seuls, ne justifieraient pas nécessairement l’envoi d’une mise en demeure, mais qui pourraient entraîner de telles conséquences en cas de répétition.

Il est également possible que ces mises en garde soient prises en compte par l’Arcom lors de l’examen des demandes d’autorisation de diffusion dont elle est saisie.

L’Arcom informe ainsi les éditeurs qu’elle est susceptible d’engager des procédures plus formelles pour de tels propos en cas de traitement similaire. Il semble ici que l’Arcom reproche à l’éditeur l’absence de contradiction ou de mise en perspective apportée par l’animateur en réponse aux propos de l’invité.

Comment les prérogatives de l’Arcom s’articulent-elles avec la liberté de communication ?

Comme l’indique son intitulé, la loi du 30 septembre 1986 a pour objet de protéger la liberté de communication tout en organisant son exercice. Comme le rappelle son article 1er, l’exercice de cette liberté constitue la règle et les éventuelles restrictions devraient demeurer l’exception.

L’usage d’une mise en garde, et non d’une mise en demeure, peut manifester la volonté de l’Arcom d’agir de manière proportionnée en adressant un signal à caractère préventif.

Les mises en garde relèvent en règle générale des actes dits de « droit souple ». Cette catégorie d’actes, qui inclut également les recommandations ou encore les prises de position adoptées par les autorités de régulation, n’édictent pas nécessairement d’obligations pour leurs destinataires, à la différence des lois, des règlements ou encore des sanctions administratives.

Dans certaines situations, les mises en garde peuvent faire l’objet d’un recours en annulation devant le juge administratif. Il en va notamment ainsi lorsqu’une mise en garde peut avoir des effets notables sur la situation de son destinataire ou lorsqu’elle a pour objet d’influer de manière significative sur les comportements des personnes. L’appréciation de la recevabilité du recours dépend donc de chaque espèce.

La possibilité de former un recours ne permet pas à elle seule de garantir le respect de la liberté de communication et des principes consacrés par la loi du 30 septembre 1986. Il incombe au juge de garantir, par sa jurisprudence, le caractère effectif de cette liberté.

S’agissant en particulier de la liberté éditoriale, le Conseil d’Etat a jugé qu’un éditeur peut définir une ligne « qui peut le conduire à faire intervenir à l’antenne des personnalités développant les thèses les plus controversées ». Le tempérament apporté à cette règle est que l’éditeur doit alors veiller à distinguer « entre la présentation des faits et leur commentaire et à l’expression de points de vue différents » (CE, 4 août 2023, SESI, n° 465759).

A la lumière de ces principes, un éditeur peut faire intervenir à l’antenne des personnalités développant des thèses controversées, y compris en matière de dérèglement climatique, mais l’attention des auditeurs doit être appelée sur le caractère subjectif et, le cas échéant, contestable ou contesté des propos tenus par l’orateur.

On peut néanmoins se demander si le régulateur n’approche pas les limites de sa compétence lorsqu’il se place sur ce terrain. Devrait-il demain rappeler à l’ordre une émission présentant des sujets très controversés tels que l’existence éventuelle de civilisations extraterrestres ou encore des hypothèses non démontrées concernant des faits divers passionnant l’opinion publique ?

Au-delà de la question de principe, il est en tout état de cause probable que les ressources humaines du régulateur ne le permettraient pas.