Par Philippe Blachèr, professeur à l’Université Lyon 3

Pourquoi l’ordre du jour de la séance de l’Assemblée nationale du 18 juillet est-il consacré à l’élection à la présidence ?

Les travaux d’une chambre ne peuvent pas commencer tant qu’il n’a pas été procédé à l’élection de son Président. A cet égard, l’article 1er du Règlement de l’Assemblée nationale dispose que : « 1. Le doyen d’âge de l’Assemblée nationale préside la première séance de la législature, jusqu’à l’élection du Président ». Il est assisté par les six plus jeunes députés qui remplissent les fonctions de secrétaires jusqu’à la formation du Bureau. En outre, des scrutateurs sont désignés par tirage au sort effectué par le doyen d’âge.pré

La séance présidée par le doyen d’âge (le député RN des Bouches du Rhône, José Gonzalez) est exclusivement consacrée à la désignation du titulaire du « perchoir » (expression désignant le siège occupé par le Président de l’Assemblée, situé légèrement en hauteur et au centre de l’hémicycle).  L’article 1er du Règlement précise en ce sens : « 3. Aucun débat ne peut avoir lieu sous la présidence du doyen d’âge ». Une fois élu, le Président prononcera une brève déclaration à la tribune, puis annoncera la date de la prochaine séance publique, en l’espèce le 19 juillet à 15h00, pour procéder à l’élection des membres du Bureau comprenant six vice-présidents, trois questeurs et douze secrétaires.

Si, par le passé, le Président de l’Assemblée nationale était élu tous les ans, la Constitution de 1958 (art.32) prévoit qu’il l’est désormais pour la durée de la législature. La dissolution du 9 juin dernier ayant interrompu la précédente législature, il est donc procédé ce 18 juillet au premier acte de la XVIIème législature.

L’ancienne Présidente Yaël Braun-Pivet peut se présenter si son groupe la désigne comme candidate.

Quelles règles s’appliquent pour élire le Président de l’Assemblée nationale ?

Le Président est élu par les députés au scrutin secret à la tribune et à la majorité des suffrages exprimés. Cette dernière doit être absolue aux deux premiers tours de scrutin (au moins 289 voix si 577 députés votent), relative au troisième tour. En 2022, Yaël Braun-Pivet avait été élue au deuxième tour suite au retrait de son principal concurrent, le député Sébastien Chenu, avec 242 voix (sur 462 exprimées). Mais eu égard à la configuration politique éclatée en trois blocs au sein de la Chambre, il ne serait pas surprenant d’assister à un troisième tour pour connaitre l’identité du Président. Dans cette hypothèse, est élu le candidat qui recueille le plus grand nombre de suffrages. En cas d’égalité entre deux candidats au troisième tour, « le plus âgé est élu » précise l’article 9 du Règlement de l’Assemblée.

Ainsi lors de cette séance du 18 juillet, chaque député sera invité à monter à la tribune pour donner son bulletin à l’un des secrétaires d’âge. Participeront au scrutin, les dix-sept ministres élus député lors des dernières élections législatives, puisque le Président de la République a accepté la démission du gouvernement le 16 juillet à l’issue du conseil des Ministres. Toutefois, la situation s’avère singulière puisque les membres du gouvernement démissionnaire participeront à l’élection du Président de l’Assemblée nationale tout en poursuivant, après le 18 juillet, la charge d’expédier les affaires courantes au nom de la continuité de l’Etat jusqu’à la nomination officielle d’un nouveau gouvernement.

Enfin, les scrutateurs tirés au sort se chargent du dépouillement avant que le doyen d’âge ne proclame le Président élu.

Le Président de l’Assemblée nationale est-il élu pour les cinq ans ?

Conformément à l’article 32 de la Constitution : « Le Président de l’Assemblée nationale est élu pour la durée de la législature ». La durée normale d’une législature étant de cinq ans, le Président est élu pour cette période à l’instar d’Edgard Faure (1973-1978) ou de Claude Bartolone (2012-2017). Toutefois, deux cas de figure restent envisageables. Premièrement, une législature peut être interrompue prématurément suite à une dissolution. Dans cette hypothèse, le Président cesse son mandat avant l’échéance quinquennale. Tel fut le cas par exemple de Philippe Seguin (1993-1997) après à la dissolution de 1997 ou de Yaël Braun-Pivet (2022-2024) suite à la dissolution du 9 juin dernier. En second lieu, un Président peut démissionner avant le terme de son mandat. Dans ces conditions, il sera remplacé jusqu’à la fin de la législature. Par exemple, sous la XVeme législature, Richard Ferrand (2018-2022) a succédé à François de Rugy (2017-2018). Ce cas de figure est fréquent sous la Cinquième République, y compris en fin de législature : en 2007, suite à la nomination de Jean-Louis Debré au Conseil constitutionnel, Patrick Ollier devient Président de l’Assemblée nationale pour quelques semaines… alors même que les députés ne siègent plus.