Par Axel Bertrand, Avocat associé chez ASTEN AVOCATS

Quel est le dispositif de réduction des délais de recours proposé par le Gouvernement ?

A ce jour, le délai de recours contre une autorisation d’urbanisme est de deux mois à compter du premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage de l’autorisation sur le terrain. Ce délai peut être prorogé par un recours gracieux qui ouvre un nouveau délai de deux mois permettant à l’administration d’y répondre. A défaut de réponse à l’expiration de ce délai, le silence de l’administration équivaut à un refus. Le requérant dispose alors d’un nouveau délai de deux mois pour introduire un recours contentieux. Le délai de recours contentieux peut donc en pratique aller jusqu’à 6 mois.

Le projet de loi prévoit de supprimer l’effet prorogatif du recours gracieux sur le délai de recours contentieux contre les autorisations d’urbanisme. Un recours administratif pourrait toujours être introduit mais uniquement dans le délai d’un mois et sans aucun effet sur le délai de recours. Le silence gardé par l’administration pendant plus d’un mois sur ce recours vaudrait alors décision de rejet. Le projet de loi réduirait donc le délai de recours à deux mois.

Ce dispositif ne risque-t-il pas d’aboutir à systématiser le recours contentieux ?

Ce dispositif semble a priori adapté à l’objectif poursuivi par le texte, à savoir accélérer les procédures. Il pourrait toutefois avoir l’effet inverse, à rebours des effets visant à réguler le contentieux en matière d’urbanisme, comme cela a d’ailleurs été relevé par le Conseil d’Etat. Le recours administratif pourrait en effet perdre tout son intérêt. Ce recours peut permettre de dénouer une situation conflictuelle :

– soit en aboutissant à un retrait de l’autorisation d’urbanisme accordée si les arguments du requérant sont fondés – ce qui permet d’éviter l’introduction d’un recours et d’assurer le respect du principe de légalité ;

– soit en laissant un temps de négociation entre le requérant et le porteur de projet pouvant aboutir à un accord – et donc en évitant là aussi d’aller sur le terrain contentieux.

Par sécurité, pour ne pas risquer l’expiration du délai de recours et parce que le recours administratif n’aurait plus d’effet prorogatif, les requérants pourraient se tourner systématiquement et directement vers le juge administratif. Le dispositif prévu par le projet de loi pourrait donc aboutir à systématiser le recours contentieux.

Il faut aussi souligner que ce dispositif concernerait toutes les autorisations d’urbanisme et pas uniquement celles qui portent sur la construction de logements, encore moins de logements abordables, tandis qu’il ajouterait « au caractère excessivement instable et dérogatoire des normes applicables à l’ensemble du contentieux du droit de l’urbanisme, au détriment de l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité des normes », comme l’a souligné le Conseil d’Etat.

Comment articuler cette réduction des délais de recours avec l’accès au dossier de demande des autorisations d’urbanisme ?

Le recours gracieux est aussi un outil permettant de gagner du temps afin d’obtenir l’entier dossier de demande de l’autorisation d’urbanisme pendant le temps de prorogation du délai contentieux, puis d’analyser si le projet est bien conforme à toutes les règles d’urbanisme.

Ce dossier constitue un document administratif communicable uniquement à partir du moment où l’autorisation est délivrée. Avant cela, il s’agit de documents préparatoires non communicables. Suite à l’introduction d’une demande de communication du dossier de demande, l’administration dispose d’un mois pour le communiquer.

Avec le dispositif prévu par le projet de loi, le requérant ne pourrait donc disposer que d’un délai d’un mois pour s’assurer de la conformité du projet aux règles d’urbanisme et saisir le juge administratif.

Cette difficulté serait d’autant plus grande dans le cas où l’administration ne communiquerait pas le dossier de demande dans le délai requis. En cas d’absence de réponse à l’expiration de ce délai, le silence de l’administration équivaut à un refus. Le requérant dispose alors d’un délai de deux mois pour saisir la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) d’une demande d’avis sur le caractère communicable du document. Il s’agit d’un préalable obligatoire à l’exercice d’un recours contentieux. La CADA notifie son avis dans le délai d’un mois à compter de sa saisine et l’administration doit informer la commission de la suite qu’elle entend donner à la demande dans le délai d’un mois qui suit la réception de cet avis[1]. Si l’administration confirme son refus, de manière explicite ou implicite après l’avis favorable ou défavorable de la CADA, le requérant doit ensuite saisir le juge administratif.

Dans ce cas, le requérant ne peut qu’introduire un recours contentieux contre l’autorisation d’urbanisme pour préserver son droit au recours, sans même avoir le dossier de demande et donc une bonne connaissance du projet. Le dispositif proposé par le Gouvernement qui raménerait à deux mois le délai contentieux sans aucune possibilité de prorogation rendrait encore plus difficile ce type de situation.