Par Franck Latty, professeur de droit public à l’Université Paris Nanterre, codirecteur de l’ouvrage L’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 : Questions de droit public (Dalloz, 2024)

Quelles sont les garanties demandées au gouvernement à l’occasion des Jeux olympiques et paralympiques ?

Avant d’élire « l’hôte » des Jeux, le CIO exige de nombreuses garanties de la part des différentes parties prenantes. Pour les Jeux de 2024, la candidature de Paris a ainsi reposé sur une série de garanties de tous ordres, notamment de la part des pouvoirs publics (gouvernement, collectivités locales, etc.), auxquelles le Contrat ville hôte signé avec le CIO renvoie. Ces documents, généralement confidentiels, peuvent être trouvés en annexe du rapport parlementaire relatif à ce qui deviendra la « loi olympique » de 2018, laquelle met en œuvre plusieurs engagements pris par l’Etat à l’égard du CIO.

Pour les Jeux de 2030, les Alpes françaises ont été sélectionnées en novembre 2023 comme seule candidature pressentie, entrant dès lors dans une procédure de « dialogue ciblé » avec le CIO. Dans ce cadre, bis repetita, une série conséquente de garanties est à fournir de la part des différents acteurs impliqués. Le gouvernement doit notamment apporter des garanties fiscales, de sécurité, de « services gouvernementaux » (accès au territoire des personnes accréditées), une « garantie des principaux engagements juridiques » (respect de la Charte olympique, du Code mondial antidopage, des droits humains etc.) et une « garantie de livraison des Jeux sous la forme de garanties financières couvrant un éventuel déficit économique du COJO [comité d’organisation] (…) ».

L’absence de consultation préalable du Parlement, le caractère exorbitant des garanties demandées ou celui, « léonin », du contrat avec le CIO ont pu être relevés, notamment dans le rapport parlementaire précité. L’autorité juridique des engagements, qui prennent la forme de brefs courriers adressés à une association étrangère (le CIO), peut aussi être discutée, sachant que l’Etat n’est pas partie au contrat avec le CIO. Toujours est-il que dans les faits, les autorités soutenant une candidature fournissent ces documents… et s’y tiennent.

La candidature des Alpes françaises pour les Jeux d’hiver de 2030 peut-elle échouer en raison de la situation politique en France ?

Juste avant l’ouverture des Jeux de Paris 2024, la 142e Session du CIO est censée procéder à l’élection de l’hôte des Jeux d’hiver de 2030. Dans la foulée, le « contrat hôte olympique » doit être signé. Ce vote et cette signature ne pourront intervenir que si l’ensemble des garanties demandées sont fournies. Selon le communiqué du CIO du 12 juin 2024 manquent seulement au dossier la « garantie de livraison des Jeux par le gouvernement français » et la « confirmation d’une contribution de partenariat au budget d’organisation des Jeux de la part des deux régions Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur et de l’État français ». Ces deux documents doivent marquer l’engagement financier des pouvoirs publics pour que les Jeux soient à l’équilibre (ce qui est rarement le cas des Jeux d’hiver). Le président du CNOSF, David Lappartient, a fait savoir que les pièces étaient prêtes à être fournies, mais « au regard de la dissolution de l’Assemblée nationale, il paraissait compliqué que le Premier ministre signe cet engagement. »

On peut comprendre que ces garanties qui engagent les finances publiques ne soient pas apportées par un gouvernement sur le départ. Au vu du principe de continuité de l’Etat, le choix politique de renvoyer la décision au prochain gouvernement n’était toutefois pas juridiquement contraint – et pour cause, le gouvernement qui fournit les garanties n’est jamais celui en fonctions quelque six années plus tard au moment des Jeux.  La signature de ces garanties avant la Session du CIO les 22-24 juillet devra donc faire partie des premières décisions du futur premier ministre, ce qui peut faire des Jeux de 2030 un sujet de campagne électorale.

Certains obstacles sont toutefois à prévoir si un gouvernement ne peut être rapidement désigné à l’issue des élections législatives (en l’absence de majorité claire, par exemple) ou si le nouveau gouvernement rechigne à signer les engagements.

Les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 sont-ils menacés ?

Le futur gouvernement, quelle que soit sa couleur politique, héritera des Jeux et devrait avoir à cœur de les réussir. Il pourra s’appuyer sur les services de l’Etat, qui se sont préparés à l’événement depuis plusieurs années. Néanmoins, le moins que l’on puisse dire est que la désignation d’un gouvernement d’extrême droite produirait une onde de choc telle que la sérénité nécessaire aux derniers préparatifs et au bon déroulement des Jeux en serait certainement affectée. Les Jeux ont, de plus, pour effet de braquer les projecteurs sur la France ; dès l’ouverture, ils donneront lieu à un ballet diplomatique dont l’orchestration par un gouvernement d’extrême droite écornerait l’image du pays.

S’agissant du cadre juridique des Jeux, les choses sont en tout cas balisées depuis longtemps (contrat Ville hôte, législation spécifique etc.). Le nouveau gouvernement est censé se conformer aux engagements pris, concernant par exemple le respect des valeurs de l’Olympisme, l’interdiction de toute forme de discrimination, ou l’accès au territoire français et le droit d’y séjourner pour toutes les personnes accréditées par le CIO. Si tel n’est pas le cas, la force juridique des garanties fournies pourrait alors être éprouvée, potentiellement devant le Tribunal arbitral du sport, compétent pour les litiges relatifs au contrat Ville hôte Paris 2024 (art. 51), et présent à Paris le temps des Jeux, à travers une chambre ad hoc, localisée au Tribunal judiciaire de Paris, compétente pour résoudre en urgence les litiges relatifs aux JO.